dimanche 6 janvier 2019

La littérature amazighe lauréate du prix Nobel de littérature !



Peut-on imaginer, dans les jours qui viennent, la sacralisation littéraire universelle suivante : la littérature amazighe lauréate du le prix Nobel de littérature?
Rien n’est impossible pour les enfants de Tamazgha dont la culture est leur sang et l’art est leur oxygène et la terre est leur tombe et honneur. Plutôt tout ce qui se réalise au profit de cette littérature ancestrale et combattante, par la nouvelle génération d’écrivaines et écrivains est dans le bon sens. Il est un bon signe pour sacralisation pareille.
La littérature amazighe se modernise, de plus en plus, se libère des clichés folkloriques, et de plus en plus se forge esthétiquement dans les questions philosophiques hantées par la lutte pour les droits de l’homme et des peuples et par le plaidoyer littéraire pour les valeurs humaines universelles.
Lire la poésie mystique du poète et chanteur Lounis Aït Menguellet nous rappelle la sagesse des grands noms de la poésie universelle, à l’image de Tagore, de Bob Dillan, de Omar Khayyâm, Saint-Jean Perse, d’El-Halladj…
Lire la poésie engagée, lucide et visionnaire de Matoub Lounès nous rappelle celle d’Aragon, de Pablo Neruda, de Lorca, de Rimbaud ou de Breyten Breytenbach.
Il n’y a pas de langues grandes et d’autres petites. Tamazight que porte haut la poésie d’Aït Menguellet ou celle de Si Mohand Ou Mhand est une grande langue. Toute langue est belle par sa littérature renouvelée d’abord et par ses femmes et ses hommes qui la portent dans leur quotidien et dans leur cœur, sans divinisation aucune.
Tamazight qui est capable d’accueillir, en traduction, les grands textes littéraires de l’humanité tels Le vieil homme et la mer d’Hemingway, Roméo et Juliette de Shakespeare, Roubaiyyat (les quatrains) de Khayyâm, le Prophète de Khalil Gibran, L’étranger de Camus… est une grande langue. Cette la langue qui porte, en traduction, les textes sacrés tels Le Coran et la Bible est capable de nous surprendre. Tamazight a réalisé tout cela et plus, seulement en ces deux dernières décennies.
Pourquoi la littérature algérienne francophone, symbolisée par ses géants génies à l’image de Katab Yacine, Assia Djebar, Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohammed Dib, Rachid Boudjedra et d’autres, n’a pas pu décrocher le prix Nobel de littérature ?
Je n’aime pas la théorie du
complot !
Certes, notre littérature en français renferme des chefs-d’œuvre tels Nedjma de Kateb Yacine, Habel de Mohammed Dib, Le sommeil du juste de Mouloud Mammeri, L’amour, Fantasia de Assia Djebar, L’escargot entêté de Rachid Boudjedra… pour ne citer que ces quelques titres. Mais dans l’ensemble, cette littérature est restée partiellement, à mon sens, une littérature locale influencée par les traditions de l’école littéraire française. Avec tout ce qu’elle a eu de succès, elle est demeurée une littérature enfermée dans un nationalisme restreint prédominé par la philosophie des conflits des années cinquante.
Pourquoi la littérature algérienne arabophone représentée par des écrivains à l’image de Abdelhamid Benhedouga ou de Tahar Ouettar n’a pas eu, elle aussi, la chance de rapporter un tel prix universel de littérature ?
Bien qu’elle ait produit de beaux textes, tels Noce de mulet de Ouettar ou El-Djazia et les derviches de Benhedouga ou encore Mémoires de la chair d’Ahlam Mosteghanemi, cette littérature arabophone en Algérie est marquée par la reproduction esthétique calquée ou presque sur les traditions de la littérature du Machreq, dans sa forme littéraire et dans son conservatisme idéologique. Cette littérature, je ne généralise pas, manque d’aventure philosophique, de renouvellement esthétique et de courage intellectuel. Certes, il existe une nouvelle génération d’écrivains romanciers qui, petit à petit, se libère de cette hégémonie littéraire machrékienne.
Et dans ces deux cas littéraires, en français comme en arabe scolaire, cette littérature n’est qu’une forme de traduction. Ni le français ni l’arabe scolaire ne sont langues maternelles en Algérie. Inconsciemment, cette littérature est faite d’abord dans une autre langue absente et sans traces. Et cette langue absente ou bannie n’est autre que la langue amazighe ou la darija, le dialecte. L’écrivain algérien pense et rêve en algérien (en tamazight ou en darija) et écrit en français ou en arabe scolaire !
Les deux langues vivantes en Algérie sont tamazight et la darija, les autres sont des langues étrangères. Certes ces dernières sont porteuses d’une ouverture sur le monde et d’une culture humaine pour les élites locales.
Pour ces raisons psychosociologiques et linguistiques peut-être, les littératures algériennes francophone et arabophone n’ont pas pu décrocher cette sacralisation littéraire universelle qui est le prix Nobel de littérature.
De l’autre côté, la littérature amazighe est une expérience littéraire cohérente avec son environnement linguistique, sociétal et historique. Une littérature qui ne se fait pas dans la traduction et ne passe pas par la traduction. C’est la première littérature écrite dans la langue maternelle.
Le lait maternel est fusionné avec l’encre de la création.
Cette nouvelle littérature amazighe vit une progression exceptionnelle dans la production textuelle narrative et poétique, libre du folklorisme et de la folklorisation. Une littérature qui de plus en plus questionne philosophiquement l’identité et l’avenir : le moi qui n’est que l’autre face d’autrui.
Seule cette littérature amazighe d’Afrique du Nord échappe, grâce à cette relation fusionnelle entre la langue-mère et la langue-écrivaine, à l’aliénation.
Malgré la pénible souffrance politique, culturelle et pédagogique et même religieuse qu’a endurée la langue amazighe, cette dernière, grâce à la détermination et à la résistance de ses écrivains, ses artistes, ses femmes et ses hommes, a pu surmonter et vaincre toutes les colonisations successives : les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Ottomans, les Français. Elle a survécu. Elle vit.
Cette dure et unique épreuve historique qu’a connue tamazight est une leçon immortelle pour les écrivains s’exprimant dans cette langue. Une leçon portée dans leur texte en guise de plaidoyer artistique pour la défense des valeurs humaines : la liberté, la femme, l’égalité des sexes, la diversité et la laïcité. Et c’est pour cela qu’une sacralisation littéraire universelle de la littérature amazighe par le prix Nobel de littérature, dans quelques années prochaines, n’est pas exclue.
A. Z.
aminzaoui@yahoo.fr
Lire dans Liberté  du 05/01/2019

1 commentaire:

  1. Azul a mass Zaoui.
    Parlez-vous tamazight?
    Si oui:ravi!
    Si non: il serait temps de s'y mettre.
    Heureux de votre prise de conscience et
    de votre éveil identitaire .

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