lundi 30 avril 2018

L'ancêtre en libido de Tarik Ramadan




Kiosque arabe par Ahmed Halli

La tentative de lynchage filmée à Ouargla, qu'elle soit réelle ou fabriquée, et diffusée sur les réseaux sociaux, illustre une fois de plus les progrès effarants de la superstition dans nos sociétés. Selon l'intitulé de la vidéo et les commentaires l'accompagnant, de braves citoyens de Ouargla ont débusqué et quasiment condamné une sorcière du genre qui «souffle dans les nœuds». Il s'agit de magie noire en l'occurrence, une pratique qui est l'apanage des femmes comme nous le savons, puisque les hommes s'adonnent à la «magie blanche» dûment autorisée. Entrent dans cette catégorie, religieusement et politiquement correcte, la «roqia», ou thérapie prophétique, et l'exorcisme consistant à faire sortir un «djinn» du corps dont il a pris possession. Bien sûr, tout le monde sait que les démons raffolent des corps féminins, leur lieu de retraite favori, et qu'il faut beaucoup de force, masculine évidemment, pour chasser ces indus occupants. Quant à la magie noire, du genre à rouler du couscous avec les mains d'un défunt récemment enterré, on le concède généralement et généreusement aux femmes à titre de réparation. A condition qu'elles ne se fassent pas attraper, bien entendu, et qu'elles fassent leurs petites affaires sans trop se faire remarquer, au bénéfice de «client(e)s», en vue et en habits de piété. Sur ce film muet, on voit une dizaine d'hommes, jeunes en majorité, qui molestent une femme, lui arrachent son sac et en vident le contenu, espérant peut-être y trouver le corps du délit. Cette scène n'est pas sans rappeler certaines scènes de viol, rapportées par les médias, lors des journées de manifestations populaires ayant précédé la chute du Président Moubarak en Égypte. Certes, Ouargla ce n'est pas Salem, mais les ingrédients se mettent en place, et il suffit d'un désir inassouvi, d'un regard dégoulinant sur une proie potentielle, pour lancer la chasse à courre. Sans aller jusqu'à invoquer le «Syndrome de Cologne», l'attitude des justiciers en herbe (ou fumeurs d'herbes ?) et leur promptitude à s'attaquer à une femme isolée ravivent les inquiétudes. On remarque aussi, et c'est sans doute courant dans nos quartiers, l'absence des femmes parmi les apprentis lyncheurs, si tant est qu'elles aient eu le choix de la discrétion et de l'ombre. En forçant le trait, on serait presque tenté de plaider pour la parité homme-femme, y compris en matière de lynchage, comme lors de la lapidation avortée de Marie-Madeleine. On ne sait pas encore comment a fini l'incident de la «sorcière» à Ouargla, mais on peut y voir un nouvel avertissement à la gent féminine, «libérée par l'Islam, mais menottée par les théologiens».
Je cite ici librement et de mémoire le titre de l'un des textes les plus significatifs de Djamal Al-Bana (1920-2013), le frère cadet de Hassan Al-Bana, fondateur du mouvement des Frères musulmans. Sollicité par son aîné avec insistance pour rejoindre le mouvement et y «cueillir les fruits délicieux de ses jardins», Djamal Al-Bana a préféré désobéir à son frère et a opté pour un Islam des lumières. Contrairement au beau-fils de Hassan Al-Bana, Saïd Ramadan, héritier spirituel du chef des Frères musulmans et père de Tarik, chargé de mission du mouvement en Europe. Hilmi Al-Nemnem, un chroniqueur du quotidien cairote Al-Misri Alyoum, évoque l'étonnement suscité en France et dans d'autres pays européens par la mise en examen de Tarik Ramadan. Il souligne que les faits reprochés au militant islamiste ne suscitent aucun étonnement en Égypte, puisqu'ils s'inscrivent dans la tradition du mouvement, fondé et dirigé par son grand-père. Depuis sa création, dit-il, l'itinéraire de la confrérie est jonché d'incidents et d'exemples de ce genre, comme l'atteste l'histoire connue de son secrétaire, Abdelhakim Abidine. De nombreux militants s'étaient plaints à Hassan Al-Bana du harcèlement sexuel que subissaient leurs femmes et de leurs filles de la part de monsieur le secrétaire.
Non content de chasser sur ses propres terres et dans l'entourage des militants du mouvement, Abdelhakim Abidine ne se contentait pas de faire des propositions indécentes et il passait souvent à l'action. Une enquête interne au mouvement a non seulement confirmé les accusations concernant les femmes, mais a révélé aussi une autre dimension du personnage, impliqué également dans des affaires de pédophilie. Mais lorsque l'enquête a conclu à la culpabilité du secrétaire du mouvement, sur tous ces plans, Hassan Al-Bana a refusé de prendre des sanctions contre lui. Il s'est juste contenté de dire que son collaborateur avait été victime de ses pulsions et qu'il avait commis un péché véniel, qui n'est pas répréhensible dans l'idéologie des Frères musulmans. Voyant cela, les cadres de la confrérie qui demandaient la tête d'Abdelhakim Abidine ont préféré enterrer le dossier de crainte que sa révélation n'ait pour effet d'entacher la réputation de leur parti. Revenant sur les démêlés juridiques du commis voyageur des Frères musulmans, Hilmi Al-Nemnem s'arrête sur les termes utilisés par Tarik Ramadan pour sa défense. Il parle tantôt de préliminaires, mais sans coït, de relations consenties, utilisant pour ce faire des termes empruntés au langage courant utilisé en la matière en pays laïques.
«Puisque dans sa vie privée, Tarik Ramadan utilise des mots et des concepts laïques, pourquoi les récuse-t-il, lorsqu'il s'adresse à nous et nous interdit même de les utiliser, parce qu'ils sont étrangers ?», interroge le chroniqueur. Il préfère nous abreuver de locutions et de termes de théologie au sens totalement opposé, fidèles au bon vieux principe disposant que ce qui leur est permis ne l'est pas pour nous, et que faire comme eux nous expose à l'anathème. «Historiquement, la confrérie a su jouer habilement sur les mots et sur les concepts, ajoute Hilmi Al-Nemnem. Vous leur parlez de démocratie, ils vous parlent de ‘’Choura’’, qui n'a rien à voir, vous débattez avec eux de la nécessité d'un Etat civil, ils vous disent oui, mais avec des référents religieux. Vous dites Etat national, ils vous répondent ‘’Etat du califat’’. Et l'auteur de rappeler qu'avant le 25 janvier, le responsable Frères musulmans, Issam Al-Ariane, avait dit aux Américains : ‘’Ne vous fixez pas sur notre appellation, notre mouvement croit à la laïcité.’’ Et c'est ainsi qu'ils se sont acquis la sympathie de Washington qu'ils n'ont pas tardé à dilapider, une fois qu'ils sont arrivés au pouvoir.» Des rappels nécessaires et utiles, mais une information de taille: nous connaissions l'aïeul de Tarik Ramadan, nous savons, enfin, qui est son ancêtre en libido !
A. H.

mercredi 25 avril 2018

Citation de Amin Zaoui


Le Coran et moi ! Par Amin Zaoui


En tant que romancier hanté par le phénomène du sacré et du profane, de ce fait, de temps à autre, j’aime relire le Coran. Et  avec, et de temps à autre aussi, je relis le controversé livre Sahih al Bukhari (810-870). Et afin d’avoir plus de clarté, plus de questions, je relis d’autres textes sacrés à l’image de la Bible et de la Thora. Et parallèlement, je lis les mythes universels sur la genèse de l’univers, sur la langue et sur l’errance de l’homme. 
Autour du Coran, et de Sahih al Bukhari, beaucoup de valeurs sont nées, d’autres sont disparues, dans la terre d’islam. Des fantasmes sont nés. Du sang a été versé et de l’encre aussi. Des tonnes de manuscrits et de livres ont été écrits, mais dont la plupart ne sont que des répétitions. Ils sont sans grand effort intellectuel,  et pour user de l’expression moderne : “ils sont : du copié-collé”.  Le Coran fait partie de notre culture, de notre mémoire collective et individuelle. Il est l’image de la peur. L’image du père. L’image de l’enfance. La mort de mon grand-père. Le cercueil. La circoncision. L’image de la torture infernale. L’image de la soumission. L’image de la délivrance. L’image de la tristesse. Le respect. La guerre. Mais il est aussi l’image de l’égaré! Il est l’image de l’errance et le chemin en même temps. C’est étonnant, cela dure depuis douze siècles, que les musulmans, les croyants, les fouqaha, les politiques islamistes et les prédicateurs cherchent  la religion dans Sahih Al Bukhari et non pas dans le texte original le Coran. Le livre Sahih d’al Bukhari, petit à petit, a fini par faire taire le Coran ou presque. Dans le meilleur des cas, il l’a repoussé à la deuxième position, dans la vie intellectuelle et religieuse musulmanes. Quinze siècles se sont écoulés, depuis l’avenue de l’islam. Des philosophes sont passés par le désert de l’Arabie. Des poètes. Des fouqaha. Des historiens. Mais durant ces quinze siècles, les musulmans, toutes tendances confondues, se sont contentés, vis-à-vis de leur Livre, de la récitation de leur Livre. Se contenter de le chanter. De le psalmodier. Quinze siècles durant, les musulmans ont chanté, ont récité, ont psalmodié, ont respecté, ont adoré leur Livre mais ils ne l’ont jamais lu. Il est resté sacré loin de toute lecture. De toute question philosophique ou historique approfondie. Si la révélation est divine, Le Livre en tant que produit-matériel al moshaf est humain. Le livre al moshaf que nous avons entre les mains, publié, arrangé, agencé, n’a pas été réalisé par le Prophète. Il est le travail d’une autre personne, un homme politique : Othman Ibn Affane (574-656). Et ce Othman Ibn Affane, qui a matérialisé, par la transcription finale unifiée, Le Livre le plus cher aux musulmans, ce même Othmane, le troisième calife de l’islam, a été assassiné par les musulmans eux-mêmes ?  Parce que nous n’avons jamais lu le Coran, les politiques L’ont utilisé, L’ont manipulé pour en faire leur pouvoir, leur force mensongère. Au moment où Le Coran est psalmodié par les croyants, Sahih d’Al Bukhari est utilisé, au nom du Coran, par les politiques politiciens et les charlatans. Le Coran n’a jamais été lu par les philosophes et les historiens, à l’exception de l’expérience intellectuelle du courant des Moutazilites. Afin de libérer le Coran de ses excitateurs-perroquets, afin de Le libérer de ses agresseurs politiques, nous avons besoin aujourd’hui de replacer le texte coranique dans son contexte historique. Et afin de continuer le travail sérieux et audacieux réalisé par les Moutazilites, nous avons besoin de mettre le Coran dans une perspective historico-comparative.
Il faut lire le Coran à la lumière de l’anthropologie, de l’Histoire des civilisations, de l’Histoire des langues, de l’Histoire des mythes.
Il faut Le lire en comparaison avec les autres religions monothéistes, religions païennes et mythes, le judaïsme, Gilgamesh, le christianisme, le bouddhisme… Une nouvelle lecture du Coran signifie la libération des croyants séquestrés par la mosquée colonisée par des prêtres-musulmans, des prédicateurs des fatwas, les vendeurs des tickets d’entrée au paradis. Notre mosquée d’aujourd’hui, n’est que l’image de l’église d’avant le dix-septième siècle. Il est temps de libérer le Coran de Sahih Al Bukhari. Il est temps de libérer le Coran de l’air du chant psalmodique par l’appel à une lecture, au pluriel, créative.  

Génocide arménien: Cinq dates

Le 24 avril 1915 a marqué le début du massacre et de la déportation de 1,5 million d’Arméniens par l’empire Ottoman. Cette date est désormais la Journée commémorative du génocide arménien...



1894-1896: Les premiers massacres


Les massacres d’Arméniens n’ont pas commencé avec le gouvernement Jeune-Turc, arrivé au pouvoir après la révolution de 1908. Alors que l’ensemble des peuples non musulmans -qui ont le statut de dhimmi- sont discriminés, à partir de 1878, le sultan Abdülhamid II se focalise sur la population arménienne, soupçonnée de manquer de loyauté et de nourrir des projets d'autonomie. «Entre 1894 et 1896, environ 200.000 Arméniens sont massacrés en Anatolie centrale et orientale», explique Mikaël Nichanian.

24 avril 1915: L’arrestation des élites à Constantinople (aujourd'hui Istanbul)


La discrimination que subissent les Arméniens est exacerbée après la prise du pouvoir par les Jeunes-Turcs, qui cultivent un nationalisme radical turco-musulman. Les défaites militaires de l’Empire -lors des guerres balkaniques de 1912, mais aussi après son entrée dans la Première Guerre mondiale en octobre 1914 (face aux Russes à Sarikamish en janvier 1915, à Suez face aux Britanniques en février 1915...)- jouent aussi un rôle dans le déclenchement du processus génocidaire. «La thèse habituelle pour expliquer les arrestations du 24 avril est la volonté de décapiter la communauté arménienne pour la priver de moyens d’action, note Mikaël Nichanian. Mais, contrairement à ce que clamait le gouvernement, il n’y avait pas de “révolte arménienne“. Mais ces arrestations permettaient d’étayer le soupçon de complot arménien.»

Mai-septembre 1915: Massacres et déportations


Après ces arrestations, une loi spéciale autorise le 26 mai la déportation des Arméniens «pour des raisons de sécurité intérieure». «Les hommes sont massacrés et les femmes et les enfants sont déportés d’Anatolie et de Cilicie vers les déserts de Mésopotamie», dans l’actuelle Syrie. En chemin, une partie des déportés est massacrée, quand d’autres tentent de survivre dans des conditions extrêmes. A l’été 1915, les ambassadeurs européens et américains à Istanbul (qui avaient déjà publié en mai une mise en garde contre les «crimes de la Turquie contre l'humanité et la civilisation», menaçant les autorités turques de poursuites judiciaires après guerre) «comprennent que la déportation est en fait le masque d’un processus d’extermination», souligne Mikaël Nichanian.

Eté 1916: L’élimination des rescapés


Début 1916, une deuxième phase génocidaire est décidée par les autorités turques. «Entre juillet et septembre, 200.000 rescapés des déportations vont être assassinés par des milices tchétchènes dans le désert syrien, sur des “sites abattoirs“, au nord-est de Deir Ez-Zor», indique Mikaël Nichanian.

Mai-septembre 1918: La troisième phase du génocide


«A partir de mai 1918, les autorités ottomanes, qui tentent de conquérir le Caucase russe, vont se livrer à des massacres d’Arméniens et d’Assyro-Chaldéens. Des massacres auront également lieu dans le nord de l’Iran.» Ce programme d’extermination sera stoppé par la reddition de l'Empire ottoman aux forces de la Triple Entente (Grande-Bretagne, Russie et France), le 30 octobre 1918, lors de l’armistice de Moudros. En 1919, un tribunal militaire à Constantinople reconnaît plusieurs hauts responsables ottomans –absents– coupables de crimes de guerre, y compris contre les Arméniens, et les condamne à mort par contumace.




mardi 24 avril 2018

Zeghloul Nedjar en terre promise !


Le prédicateur Zaghloul Al-Naggar


Rubrique
Kiosque arabe par  Ahmed Halli


Des internautes, tendance «Brobros» réactifs, se sont émus sur le site Facebook qu'un «douktour» égyptien, du nom de Zeghloul Nedjar, qui a déjà été cité ici, en mal bien sûr, soit invité à Béjaïa. L'affichette, pièce à conviction, nous apprend en effet que le sieur en question donnera une conférence, ce lundi 23 avril, sur «le Miracle scientifique du Coran». Un sujet, une enseigne commerciale, dont Zeghloul Nedjar s'est fait l'apôtre et le camelot dans tous les pays musulmans où les gogos assoiffés ne peuvent se désaltérer qu'au mensonge. On apprend aussi que la conférence est organisée par le ministère des Affaires religieuses et par la succursale algérienne de «l'Institution mondiale du miracle scientifique». Autrement dit, le «douktour» Al-Nedjar, qui est à cette institution ce que Karadhaoui est à «l'Organisation mondiale des ulémas», c'est-à-dire presque tout, pour conjurer l'éponymie idolâtre. L'émotion serait plus compréhensible si elle n'était pas aussi tardive, sachant que ce VRP de l'éveil intégriste anesthésiant sévit dans nos villes et nos amphithéâtres sans discontinuer. On comprendrait mieux si la région concernée n'était pas affligée du même système éducatif et soumise aux mêmes influences néfastes que le reste du pays, dévasté par la surenchère religieuse.
Or, le «berger» est toujours présent parmi nous et des cohortes de louveteaux suivent avec appétit ses exégèses sur les «versets géologiques», dont il se dit spécialiste incontesté de par sa formation. Comme les universités étrangères ont plus de clinquant et ne traînent pas autant de casseroles que les nôtres, on peut lire que Zeghloul Nedjar est diplômé en géologie de Wilz (Grande-Bretagne). Ce qui vous confère tout de suite une stature et un crédit moral avec retombées financières conséquentes dans nos régions où l'on apprend surtout à lire plutôt qu'à réfléchir. La destination Algérie est donc particulièrement prisée et nos responsables, intégristes ou islamistes honteux, se font forts de maintenir les cerveaux en hibernation. Il ne faut plus s'étonner donc, après Ghazali, Karadhaoui et autres hypnotiseurs patentés de voir le «frère» Zeghloul plastronner sous nos figuiers et nous enseigner le Coran, condensé d'inventions scientifiques. Contrairement à d'autres amis, plus pénétrés de Dieu que moi, je ne crois pas à l'existence d'une volonté réformiste chez nos imams et chez le premier d'entre eux. En revanche, j'ai été surpris de découvrir que «frère» Zeghloul avait survécu à un AVC, dans l'un de nos hôpitaux, jugés incapables de soigner un Président mais se refaisant une santé en rallongeant la carrière des prédicateurs.
Contrairement à l'Algérie, où Zeghloul Nedjar n'a aucune chance d'être contredit, lui qui ne supporte pas la contradiction, d'autres pays arabes ne l'ont pas accueilli en prophète, comme il l'escomptait. En juillet dernier, à Amman, il a provoqué un petit esclandre en refusant de répondre à une question un peu trop pointue à son goût d'une ingénieure chimiste jordanienne. La dame qui l'a interpellé assez sévèrement l'a traité d'imposteur, après lui avoir signifié qu'il ne méritait pas le titre de «grand savant» (allama), parce que les grands savants savent répondre quand on les questionne. Il a eu le même problème au Maroc, lorsqu'un étudiant l'a repris en lui faisant remarquer qu'il avait utilisé, pour étayer ses dires, un hadith notoirement faux. Il avait été également assailli de questions sur la faiblesse de ses arguments scientifiques et les mensonges éhontés qu'il proférait en les attribuant à l'Islam et au Coran. Du coup, il a écourté son séjour au Maroc, et pour flatter ses affidés algériens, il s'était présenté comme victime d'un groupe malintentionné qui ne comprenait rien à son Islam et à sa mission. Il faut justement rappeler ce qu'est sa «divine mission» de propager, à la manière des concordistes, l'imposture du miracle scientifique du Coran, après la grande imposture de «l'économie islamique».
Selon notre confrère égyptien Mohamed Zaki Al-Shemy, le «douktour» Zeghloul Nedjar n'est pas l'initiateur du projet de neutralisation des cerveaux, caressé par l'idée que tout est dans le Coran. Il n'en est que le continuateur, puisque le véritable précurseur est un chimiste égyptien, Rashad Khalifa, qui a émigré aux Etats-Unis en 1959, et qui s'est intéressé aux premiers pas de l'informatique. C'est ainsi qu'il a élaboré, à partir de 1968, un certain nombre de codes et de théories en se basant sur le nombre de versets du Coran et sur leur place dans le classement. Ses recherches portaient notamment sur les «codes secrets» du Coran et sur le chiffre 19, et il en a tiré des études publiées dans la presse égyptienne et réunies en 1973 dans un livre intitulé «Le Miracle du Coran». C'est ainsi que ce charlatan a été perçu comme un immense savant et surtout comme un moyen, par ses écrits, de ramener les gens vers la foi. C'est ainsi qu'il a bénéficié du soutien des tenants de l'islam politique et surtout de la considération des théologiens sunnites qui savaient pourtant que le classement du Coran est une œuvre humaine. De même que tout ce qui a suivi de l'adoption d'un seul exemplaire à la vocalisation du Coran a été fait par des hommes et que Dieu n'avait rien à voir dans ceci, mis à part l'inspiration peut-être.
Mais l'état de grâce n'a pas duré longtemps, et Rashad Khalifa s'est pris à son propre jeu, allant jusqu'à nier le besoin de recourir aux versets et aux hadiths. Il a fini par se présenter comme «prophète de la charte», et à prêcher dans sa mosquée de Tucson, en Arizona, ce qui a indisposé ses alliés, tels Ibn Albaz et Karadhaoui qui ont lancé une fatwa de mort contre lui. Rashad Khalifa a été assassiné en 1990, au couteau et dans sa propre mosquée, en exécution de la sentence prononcée contre lui et validée par des relais locaux. Comme l'affaire était prometteuse et qu'il y avait encore des cerveaux à fourvoyer, Zeghloul Nedjar a pris le relais et le voici en terre promise !

A. H.

Source : Le Soir d'Algérie

Citation de Friedrich Nietzsche