vendredi 18 janvier 2019

Houari Manar : ce mort qui a affranchi les vivants par Amin Zaoui





Il s’appelle Houari Manar. Bourré de vie, de musique, d’optimisme et de jeunesse, fut l’artiste. Il n’a légué à la cité, à ses fans que de l’amour et des chansons et le grand sourire.
Sa mort spectaculaire et précoce, sa fin triste et bouleversante a mis la société algérienne à nu ; une société marquée par la culture du racisme et de l’homophobie.
La mort du chanteur nous a fourni une image impitoyable, longtemps dissimulée, de notre soi-disant élite. Soi-disant intelligentsia !
Les débats publics sur les réseaux sociaux commentant la mort du chanteur Houari Manar dans une clique algéroise, est l’image de ce que l’école algérienne a produit de monstres, depuis l’indépendance.
La plupart des commentateurs de cette mort sont le fruit de cette école de l’obscurantisme et de l’enfermement. Une école qui depuis un demi-siècle n’a cessé d’enseigner aux enfants de l’Algérie indépendante la leçon de la haine conjuguée à celle de l’hypocrisie religieuse.
Ce débat est chargé de la haine, contre le chanteur, tout simplement parce que ce dernier n’a pas caché sa nature sexuelle. La société hypocrite n’a pas pu accepter cette liberté individuelle déclarée.
La mort de Houari Manar et les débats publics ségrégationnistes et haineux sans masque aucun qui l’ont suivie nous renvoient à une réalité amère d’une société se trouvant au fond du gouffre caractérisée par:
1- Le silence des intellectuels d’avant-garde face à cette culture raciste généralisée. Ni les universitaires dits intellectuels modernistes ou laïques, ni les artistes qui se voient dans le courant futuriste ou d’ouverture n’ont condamné fermement cet acte raciste répugnant. Si cela s’était produit dans un pays européen ou américain, beaucoup de personnes auraient été inculpées et ainsi jugées pour racisme et xénophobie.
2- Tout le débat haineux autour de la disparition tragique du jeune artiste Houari Manar est resté encellulé dans un seul espace qui est le discours “religieux” islamique. Les commentateurs homophobes se basaient sur un même référent commun qui n’est que la religion islamique. Tous ont justifié leur acte de refus, leur haine, leur racisme par le rappel aux hadiths et aux versets coraniques. Et même ceux qui ont pris le camp de Houari Manar, avec beaucoup de distance, eux aussi, traduisaient leur acte de sympathie, et en réponse aux autres, par d’autres hadiths et d’autres versets coraniques.
3- Tout le monde est dans le même carré religieux! Et cela signifie l’absence totale de la culture universelle, la culture des droits de l’homme, la culture du vivre-ensemble.
4- La perte tragique du chanteur Houari Manar est sans doute une occasion pour les élites sociologiques, psychologiques, pédagogiques et politiques, de penser et repenser la source de cette violence aveugle qui gangrène notre société ?
5- La mort de Houari Manar est aussi une occasion de mesurer le niveau de l’absence vertigineuse de la culture de la citoyenneté et le poids de la peur de toute liberté individuelle. L’hégémonie de la culture du troupeau dans notre société. La présence de la mentalité de la tribu est plus forte que celle de la cité, dans l’imaginaire sociétal algérien.
6- Certes, la mort de l’artiste Houari Manar, avec tout ce qu’il incarne de symbolique dans notre société, est aussi l’occasion de mesurer le niveau catastrophique atteint par la culture du racisme en Algérie et notamment chez les jeunes. Racisme justifié par le référent religieux à l’encontre des autres religions, à l’encontre des non-religieux, à l’encontre des laïcs, à l’encontre des communautés sexuelles, à l’encontre des noirs, à l’encontre de la femme.
7- Afin de faire face à cette situation pathologique marquée par la montée triomphale du racisme et de l’hémophobie dans notre société actuelle, il faut revivifier, et en urgence, trois facteurs :
A : Le rôle des institutions culturelles capables de diffuser les richesses universelles auprès de nos citoyens, en livre, en musique, en art plastique, en théâtre et en cinéma.
B : l’école doit rénover pas uniquement les contenus des programmes mais et surtout l’encadrement humain, dont la plupart est endoctrinée par la culture de la haine et de l’obscurantisme.
C- Faire barrage aux prêches et aux imams qui ne cessent d’insulter les autres religions et ainsi cultiver la haine et le racisme dans les milieux des fidèles.
C : dénoncer les discours des partis politiques islamistes et leur dérivée qui ne cessent de semer l’idéologie haineuse dans les milieux de la cité.
A. Z.
aminzaoui@yahoo.fr

Lire dans Liberté

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire