mardi 24 avril 2018

Zeghloul Nedjar en terre promise !


Le prédicateur Zaghloul Al-Naggar


Rubrique
Kiosque arabe par  Ahmed Halli


Des internautes, tendance «Brobros» réactifs, se sont émus sur le site Facebook qu'un «douktour» égyptien, du nom de Zeghloul Nedjar, qui a déjà été cité ici, en mal bien sûr, soit invité à Béjaïa. L'affichette, pièce à conviction, nous apprend en effet que le sieur en question donnera une conférence, ce lundi 23 avril, sur «le Miracle scientifique du Coran». Un sujet, une enseigne commerciale, dont Zeghloul Nedjar s'est fait l'apôtre et le camelot dans tous les pays musulmans où les gogos assoiffés ne peuvent se désaltérer qu'au mensonge. On apprend aussi que la conférence est organisée par le ministère des Affaires religieuses et par la succursale algérienne de «l'Institution mondiale du miracle scientifique». Autrement dit, le «douktour» Al-Nedjar, qui est à cette institution ce que Karadhaoui est à «l'Organisation mondiale des ulémas», c'est-à-dire presque tout, pour conjurer l'éponymie idolâtre. L'émotion serait plus compréhensible si elle n'était pas aussi tardive, sachant que ce VRP de l'éveil intégriste anesthésiant sévit dans nos villes et nos amphithéâtres sans discontinuer. On comprendrait mieux si la région concernée n'était pas affligée du même système éducatif et soumise aux mêmes influences néfastes que le reste du pays, dévasté par la surenchère religieuse.
Or, le «berger» est toujours présent parmi nous et des cohortes de louveteaux suivent avec appétit ses exégèses sur les «versets géologiques», dont il se dit spécialiste incontesté de par sa formation. Comme les universités étrangères ont plus de clinquant et ne traînent pas autant de casseroles que les nôtres, on peut lire que Zeghloul Nedjar est diplômé en géologie de Wilz (Grande-Bretagne). Ce qui vous confère tout de suite une stature et un crédit moral avec retombées financières conséquentes dans nos régions où l'on apprend surtout à lire plutôt qu'à réfléchir. La destination Algérie est donc particulièrement prisée et nos responsables, intégristes ou islamistes honteux, se font forts de maintenir les cerveaux en hibernation. Il ne faut plus s'étonner donc, après Ghazali, Karadhaoui et autres hypnotiseurs patentés de voir le «frère» Zeghloul plastronner sous nos figuiers et nous enseigner le Coran, condensé d'inventions scientifiques. Contrairement à d'autres amis, plus pénétrés de Dieu que moi, je ne crois pas à l'existence d'une volonté réformiste chez nos imams et chez le premier d'entre eux. En revanche, j'ai été surpris de découvrir que «frère» Zeghloul avait survécu à un AVC, dans l'un de nos hôpitaux, jugés incapables de soigner un Président mais se refaisant une santé en rallongeant la carrière des prédicateurs.
Contrairement à l'Algérie, où Zeghloul Nedjar n'a aucune chance d'être contredit, lui qui ne supporte pas la contradiction, d'autres pays arabes ne l'ont pas accueilli en prophète, comme il l'escomptait. En juillet dernier, à Amman, il a provoqué un petit esclandre en refusant de répondre à une question un peu trop pointue à son goût d'une ingénieure chimiste jordanienne. La dame qui l'a interpellé assez sévèrement l'a traité d'imposteur, après lui avoir signifié qu'il ne méritait pas le titre de «grand savant» (allama), parce que les grands savants savent répondre quand on les questionne. Il a eu le même problème au Maroc, lorsqu'un étudiant l'a repris en lui faisant remarquer qu'il avait utilisé, pour étayer ses dires, un hadith notoirement faux. Il avait été également assailli de questions sur la faiblesse de ses arguments scientifiques et les mensonges éhontés qu'il proférait en les attribuant à l'Islam et au Coran. Du coup, il a écourté son séjour au Maroc, et pour flatter ses affidés algériens, il s'était présenté comme victime d'un groupe malintentionné qui ne comprenait rien à son Islam et à sa mission. Il faut justement rappeler ce qu'est sa «divine mission» de propager, à la manière des concordistes, l'imposture du miracle scientifique du Coran, après la grande imposture de «l'économie islamique».
Selon notre confrère égyptien Mohamed Zaki Al-Shemy, le «douktour» Zeghloul Nedjar n'est pas l'initiateur du projet de neutralisation des cerveaux, caressé par l'idée que tout est dans le Coran. Il n'en est que le continuateur, puisque le véritable précurseur est un chimiste égyptien, Rashad Khalifa, qui a émigré aux Etats-Unis en 1959, et qui s'est intéressé aux premiers pas de l'informatique. C'est ainsi qu'il a élaboré, à partir de 1968, un certain nombre de codes et de théories en se basant sur le nombre de versets du Coran et sur leur place dans le classement. Ses recherches portaient notamment sur les «codes secrets» du Coran et sur le chiffre 19, et il en a tiré des études publiées dans la presse égyptienne et réunies en 1973 dans un livre intitulé «Le Miracle du Coran». C'est ainsi que ce charlatan a été perçu comme un immense savant et surtout comme un moyen, par ses écrits, de ramener les gens vers la foi. C'est ainsi qu'il a bénéficié du soutien des tenants de l'islam politique et surtout de la considération des théologiens sunnites qui savaient pourtant que le classement du Coran est une œuvre humaine. De même que tout ce qui a suivi de l'adoption d'un seul exemplaire à la vocalisation du Coran a été fait par des hommes et que Dieu n'avait rien à voir dans ceci, mis à part l'inspiration peut-être.
Mais l'état de grâce n'a pas duré longtemps, et Rashad Khalifa s'est pris à son propre jeu, allant jusqu'à nier le besoin de recourir aux versets et aux hadiths. Il a fini par se présenter comme «prophète de la charte», et à prêcher dans sa mosquée de Tucson, en Arizona, ce qui a indisposé ses alliés, tels Ibn Albaz et Karadhaoui qui ont lancé une fatwa de mort contre lui. Rashad Khalifa a été assassiné en 1990, au couteau et dans sa propre mosquée, en exécution de la sentence prononcée contre lui et validée par des relais locaux. Comme l'affaire était prometteuse et qu'il y avait encore des cerveaux à fourvoyer, Zeghloul Nedjar a pris le relais et le voici en terre promise !

A. H.

Source : Le Soir d'Algérie

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