mercredi 25 avril 2018

Le Coran et moi ! Par Amin Zaoui


En tant que romancier hanté par le phénomène du sacré et du profane, de ce fait, de temps à autre, j’aime relire le Coran. Et  avec, et de temps à autre aussi, je relis le controversé livre Sahih al Bukhari (810-870). Et afin d’avoir plus de clarté, plus de questions, je relis d’autres textes sacrés à l’image de la Bible et de la Thora. Et parallèlement, je lis les mythes universels sur la genèse de l’univers, sur la langue et sur l’errance de l’homme. 
Autour du Coran, et de Sahih al Bukhari, beaucoup de valeurs sont nées, d’autres sont disparues, dans la terre d’islam. Des fantasmes sont nés. Du sang a été versé et de l’encre aussi. Des tonnes de manuscrits et de livres ont été écrits, mais dont la plupart ne sont que des répétitions. Ils sont sans grand effort intellectuel,  et pour user de l’expression moderne : “ils sont : du copié-collé”.  Le Coran fait partie de notre culture, de notre mémoire collective et individuelle. Il est l’image de la peur. L’image du père. L’image de l’enfance. La mort de mon grand-père. Le cercueil. La circoncision. L’image de la torture infernale. L’image de la soumission. L’image de la délivrance. L’image de la tristesse. Le respect. La guerre. Mais il est aussi l’image de l’égaré! Il est l’image de l’errance et le chemin en même temps. C’est étonnant, cela dure depuis douze siècles, que les musulmans, les croyants, les fouqaha, les politiques islamistes et les prédicateurs cherchent  la religion dans Sahih Al Bukhari et non pas dans le texte original le Coran. Le livre Sahih d’al Bukhari, petit à petit, a fini par faire taire le Coran ou presque. Dans le meilleur des cas, il l’a repoussé à la deuxième position, dans la vie intellectuelle et religieuse musulmanes. Quinze siècles se sont écoulés, depuis l’avenue de l’islam. Des philosophes sont passés par le désert de l’Arabie. Des poètes. Des fouqaha. Des historiens. Mais durant ces quinze siècles, les musulmans, toutes tendances confondues, se sont contentés, vis-à-vis de leur Livre, de la récitation de leur Livre. Se contenter de le chanter. De le psalmodier. Quinze siècles durant, les musulmans ont chanté, ont récité, ont psalmodié, ont respecté, ont adoré leur Livre mais ils ne l’ont jamais lu. Il est resté sacré loin de toute lecture. De toute question philosophique ou historique approfondie. Si la révélation est divine, Le Livre en tant que produit-matériel al moshaf est humain. Le livre al moshaf que nous avons entre les mains, publié, arrangé, agencé, n’a pas été réalisé par le Prophète. Il est le travail d’une autre personne, un homme politique : Othman Ibn Affane (574-656). Et ce Othman Ibn Affane, qui a matérialisé, par la transcription finale unifiée, Le Livre le plus cher aux musulmans, ce même Othmane, le troisième calife de l’islam, a été assassiné par les musulmans eux-mêmes ?  Parce que nous n’avons jamais lu le Coran, les politiques L’ont utilisé, L’ont manipulé pour en faire leur pouvoir, leur force mensongère. Au moment où Le Coran est psalmodié par les croyants, Sahih d’Al Bukhari est utilisé, au nom du Coran, par les politiques politiciens et les charlatans. Le Coran n’a jamais été lu par les philosophes et les historiens, à l’exception de l’expérience intellectuelle du courant des Moutazilites. Afin de libérer le Coran de ses excitateurs-perroquets, afin de Le libérer de ses agresseurs politiques, nous avons besoin aujourd’hui de replacer le texte coranique dans son contexte historique. Et afin de continuer le travail sérieux et audacieux réalisé par les Moutazilites, nous avons besoin de mettre le Coran dans une perspective historico-comparative.
Il faut lire le Coran à la lumière de l’anthropologie, de l’Histoire des civilisations, de l’Histoire des langues, de l’Histoire des mythes.
Il faut Le lire en comparaison avec les autres religions monothéistes, religions païennes et mythes, le judaïsme, Gilgamesh, le christianisme, le bouddhisme… Une nouvelle lecture du Coran signifie la libération des croyants séquestrés par la mosquée colonisée par des prêtres-musulmans, des prédicateurs des fatwas, les vendeurs des tickets d’entrée au paradis. Notre mosquée d’aujourd’hui, n’est que l’image de l’église d’avant le dix-septième siècle. Il est temps de libérer le Coran de Sahih Al Bukhari. Il est temps de libérer le Coran de l’air du chant psalmodique par l’appel à une lecture, au pluriel, créative.  

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