mercredi 31 octobre 2018

VOUS ÊTES « ISLAMOPHOBE » ! LA FATWA DE LA NOUVELLE INQUISITION


Jour 5678. Le mois du sable, grain par grain. Vous êtes “ islamophobe ”  ! Le mot sert à tout aujourd’hui. Il est l’invention idéologique populaire du nouveau siècle, après la mort du communisme et le déclin moralisant du capitalisme. Donc, dans   islamophobie  , on ne met pas uniquement la définition du dictionnaire mais tout ce que le monde ne définit pas clairement. Qu’est-ce que l’islam ? ( Une religion obligatoire ou un choix de soi devant les siens ou devant le dieu de son choix ? ) Qu’est-ce que la liberté ? ( Renoncer à la sienne au nom de celle de tous, ou défendre la sienne de croire ce que les autres ne croient pas, ou ne rien croire et l’affirmer comme un droit ? ) Qu’est-ce une caricature ? ( Un dessin ou un attentat ? ) On peut y mettre d’autres mauvaises réponses aux bonnes questions de la tolérance, de la séparation de la bêtise et de l’État, de la différence, des cultures et des défaites.  “  Islamophobe  dans la planète d’Allah, c’est comme  “ capitaliste  chez les communistes et comme  “ rouge  chez les américains : vous êtes islamophobe si vous êtes différent et que vous le dites. Vous l’êtes si vous dites qu’un pays a des lois qu’il faut respecter, si non il faut aller vivre en Arabie Saoudite. Vous êtes aussi accusé d’islamophobie si vous tentez de penser l’islam chez vous, dans votre pays, dans votre tête, dans votre vie. Et vous l’êtes encore plus si vous le faite dans une langue étrangère, celle de l’ex-colonisateur par exemple. L’accusation d’islamophobie est servit comme une fatwa et avec la même dose de colère, de rejet, d’exclusion et d’intolérance : c’est un peu le synonyme discret et encore polit d' “ hérétique   , apostat, impie. Vous êtes donc islamophobe si vous êtes contre l’invention horrible de la burka comme linceul vivant, si vous expliquez qu’il y a des limites entre croyances et droits et que les vivants ont le droit de vivre ici dans le monde et pas dans l’au-delà de chacun.

Vous êtes aussi désormais islamophobe si vous dénoncez les comportements des musulmans qui se cachent derrière l’islam ( en Occident, dans le monde ou en Algérie ). Si vous répondez à des imbécillités consacrées au nom de Dieu. Vous êtes aussi islamophobe si vous dites non au détournement d’un espace de jeux d’enfants au profit d’une mosquée tout les dix mètres dans votre quartier, ou si vous riez des takbir lancés lors des conversations théâtrales dans les mosquées, ou si vous parlez des  savants   autoproclamés, les  “ Google d’Allah   qui ont des avis sur tout et vous interdisent d’avoir un avis sur rien. Vous êtes accusé d’islamophobie quand vous résistez à l’islamisation de l’espace national, de la justice, de la culture, du sens et de l’avenir et des écoles. Vous êtes aussi islamophobes si vous essayez de penser l’islam selon vos attentes et vos interrogations et pas selon des livres morts. Vous l’êtes seulement si vous êtes différent, libre chez vous, dans votre pays, critique ou seulement sincère avec les vôtres ou patriote. D'ailleurs, vous êtes islamophobe si vous récusez l’arabité comme identité, alors que la religion n’a rien à voir l’arabité. 

L’accusation est désormais généralisée : contre les occidentaux parce qu’ils sont occidentaux, contre ceux qui sont différents, contre les siens qui ne pensent pas comme soi, conte les instaurateurs d’avenir et les objecteurs. Elle est pratiquée dans les cafés, les journaux mais aussi dans les têtes pensantes d’une certaine élite qui nourrit des fixations sur l’occident, qui voit un complot sous chaque aisselle et qui interprète, avec la facilité de la décapitation, toute différence de pensée comme une soumission à l’occident, justement.

L’islamophobie n’existe pas ? Si. Comme beaucoup de maladies du siècle. Mais elle existe aussi comme fatwa indirecte, à travers l’accusation maligne d’être   islamophobe  . Sournoise manipulation du sens et outil de torture de la nouvelle inquisition. L’accusation d’islamophobie a créé une peur d’être traité d’islamophobe et, partant, elle a étendu l’espace de ce qui est interdit à la critique, à la réflexion et la contestation. Elle menace et donc paralyse puis s’érige en police des idées et en tabou.

Et il ne faut pas y céder ni reculer. Tant que ceux qui vous taxent d’islamophobie ne s’appellent pas Allah ou Dieu. ils n’ont aucun droit de vous faire taire. La majorité n’a jamais été l’argument de la raison. Et lorsqu'on remonte dans l’histoire, on découvre, lentement, que l’accusation d’être  «  islamophobe  » est aussi ancienne que le meurtre ou l’ignorance : elle a servi à lapider Ibn Rochd à coup de savates comme à lyncher d’autres lumières. Aujourd’hui elle sert à cacher le  vol des chaussures dans les mosquées, le sous-développement de notre monde, le déni. Et d’ailleurs, dans le monde des autres, l’accusation sert à  «  victimiser  »  ceux qui veulent imposer leurs croyances aux autres.
Conclusion ? C'est en accusant les gens d'islamophobie que l'islamisme avance plus vite que le désert qu'il propose, comme solution, au reste du monde.

Kamel Daoud extrait de  « Mes Indépendances »  Éditions Barzakh 2017

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