dimanche 30 septembre 2018

Ben M’hidi, Saddam, l’amazighité et la haine par Amin Zaoui



Le ver est dans la pomme !  Le débat houleux autour de l’interdiction du film sur la vie du héros-martyr Larbi Ben M’hidi du réalisateur Bachir Derrais d’un côté, et la polémique autour des slogans chantés par les supporters de USMA en salutation à Saddam Hussein, d’un autre côté, confirment un trouble identitaire et un malaise historique.
L’Histoire n’est la fabrique ni des dieux ni des anges. Les hommes et les femmes, eux seuls, sont les bâtisseurs de leur Histoire et celle de leur nation. Et les hommes et les femmes ne sont pas parfaits. Les hommes comme les femmes fautent. Et l’erreur est humaine.
Les chroniques de notre Histoire nationale, durant la guerre de libération et même avant et après, sont incendiaires. Les conflits individuels et personnels entre les zaïms sont flagrants. Ceci explique que le zaïm n’est qu’un humain, imparfait.
Les fins tragiques de quelques noms historiques qui pèsent dans la mémoire collective et dans la naissance de l’État algérien indépendant, illustrent bien cette humanisation des bâtisseurs de l’Histoire. Et que l’Histoire est l’édification des hommes incomplets.
L’art, cinéma ou roman, cherche à découvrir, à peindre les moments de faiblesse, les moments humains dans la vie des héros qui ont fait l’Histoire.
L’art libre n’est pas le porte-parole du discours officiel sur l’Histoire; il n’est pas non plus la répétition du discours des historiens des guerres. Le film et le roman ont leur logique esthétique libre et courageuse.
Messali Hadj, qui fut le père du nationalisme algérien, a été diabolisé par les siens. Condamné par ses élèves. Interdit dans les cours d’histoire à l’école algérienne. Privé de son passeport algérien. Considéré comme traître par d’autres révolutionnaires.
Et ces mêmes révolutionnaires à leur tour ont été condamnés, par la suite, par leur camarade ou leur frère de combat.
Le sort de Ben Bella avec Boumediene.
La fin tragique du colonel Chaâbani.
La fin tragique de Krim Belkacem.
La fin tragique de Amirouche.
La fin tragique de Abane Ramdane.
La fin tragique de Mohamed Khider.
Et d’autres…. La révolution mange ses enfants ! Et le pouvoir a sa fascination vertigineuse. Et azzaâma a sa folie !
Dès le début, j’ai été contre la loi du cinéma, décidée en 2011. Si aujourd’hui nous acceptions que le ministère des Moudjahdine contrôle les films traitant la révolution algérienne, demain sera le tour au roman !
Cette haine endormie à demi-œil dans l’inconscient collectif arabe-moyen-oriental envers la berbérité des Algériens nous interpelle. Elle saute dans tous les médias dès qu’un tour de foot est disputé. Cet inconscient chronique nous rappelle à chaque crise footballistique, c’était contre les Égyptiens en 2009 et récemment contre les Irakiens, que nous sommes différents des Arabes. Que nous sommes des Berbères.
Et ces insultes qui nous tombent sur cette tête berbère, nous interpellent sur la question de l’identité. Cette haine exprimée nous invite à revoir avec fierté l’histoire de notre berbérité.
Et c’est un appel à tous les Algériens de se regarder dans leur miroir. Cette haine exprimée contre notre appartenance est une prise de conscience pour nous !
Oui, nous sommes des Berbères et nous sommes fiers de notre Histoire. Nous sommes des Berbères et nous sommes à l’aise dans notre peau, dans notre langue et dans notre culture. Et nous n’avons aucune haine envers les Arabes ou les autres nations.
Devant le houleux débat autour de l’interdiction du film sur Larbi Ben M’hidi de Bachir Derrais, la polémique autour des slogans chantés en salutation à Saddam Hussein lors du match USMA contre le club irakien des Forces aériennes, les intellectuels algériens sont appelés à ouvrir un vrai débat autour de trois chantiers, à savoir la censure, l’Histoire et l’identité.
Et le ver est dans la pomme !


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